Labyrinthe (à la suite de Joey dans le)

Ça y est, on y est. Dans le putain de Labyrinthe. Une pièce immense, dix ou quinze mètres de plafond et les projos et les spots qui nous éclairent comme des rock stars. Le plafond est noir, les yeux blancs brillent là-haut dans le ciel. Autour de nous, des parois d'acier de quatre mètres de haut limitent le champ de vision, dessinant des couloirs qui s'entremêlent, Labyrinthe à la con, délire minoen façon XXIème siècle. Ainsi, ceux qui sont au-dessus peuvent suivre nos évolutions dans ce délire. Les murs sont rayés, abîmés, un peu rouillés par endroits mais ça n'a pas l'air d'avoir tellement d'importance, parce que ça ne va pas nous permettre de les défoncer. Et soudain, un invisible au parleur se met à brailler :

- Bienvenue dans le Labyrinthe, messieurs. Il y a une sortie, et une seule... Seule règle du jeu, échapper au Minotaure qui vous guette. Si vous trouvez la sortie, bravo ! Jusqu'à maintenant, personne ne l'a jamais trouvée, alors bonne chance ! Ce sera peut-être vous...

Le tout sur un fond de musique de jeu télé. Quel goût...

Joey et moi sommes debout, appuyés aux parois. Autour de nous partent trois chemins, qui ont l'air de se diviser en plein d'embranchements... Et je remarque un truc curieux, il y a un rail dans le sol en plein milieu du chemin, un rail de guidage qui a l'air de suivre tous les méandres du laby... Pas le temps de m'interroger plus, Joey dit :

- Y a une méthode, on suit la paroi de gauche, c'est toujours comme ça qu'on s'en sort...

- Sauf si c'est un Labyrinthe à piliers.

- Ouais. Et puis on a un autre problème, c'est ce putain de Minotaure, tu sais à quoi il ressemble ?

- Aucune idée, je regarde jamais de snuff-movies...

- Alors on fait quoi ? On suit la paroi ?

- OK...

Joey et moi on commence à marcher, une espèce de vrombissement se fait maintenant entendre, j'ai mon flingue à la main au cas où l'autre Mino surgirait à l'improviste d'une pochette surprise ou d'un coin de couloir... Suivre la paroi de gauche, ne pas se casser la gueule, on se traîne lui et moi comme deux ivrognes, je n'ai jamais aimé les jeux télé, sauf peut-être les chiffres et les lettres et savoir qu'il y a des types qui vont me regarder errer pendant des heures en se marrant de mon incompétence me fait enrager. Pour la peine je lance une méchante grimace aux caméras qui ne doivent pas s'empêcher de nous suivre depuis le plafond, c'est quoi ce vrombissement, merde ? Des fois il se rapproche, des fois il s'éloigne... Une machine ?

Dans le ciel, un des spots décrit des cercles et de longues ellipses... Alors que tous les autres sont immobiles.

- Joey, mate !

Il lève les yeux et sourit :

- L'étoile, K ! L'étoile, c'est elle qui nous guide...

Au moment où il dit ça, le spot fonce assez loin et se met à tourner comme un dingue.

- Par là, dit Joey. L'étoile nous montre le chemin, ouais !

- T'es con, Joey. Le tarot c'est que des conneries, c'est un spot qui déconne, c'est tout...

Je crois que je manque de conviction quand je dis ça, mais je veux pas croire à un tirage aussi débile que celui de tout à l'heure, ça choque mon sens commun, mon oreille poétique et le peu d'humour qui me reste.

Lui, il s'en fout et il fonce en courant, essayant de se diriger aussi droit que possible vers le spot déréglé, oubliant peut-être qu'il se trouve dans un Labyrinthe et que la ligne droite n'est pas le meilleur moyen de progresser dans un endroit pareil. Tant pis, je le suis... Et le vrombissement se rapproche, se rapproche et... apparaît devant nous. Voici venir le Minotaure !

Je comprends maintenant l'utilité du rail de guidage... Le Minotaure, c'est une sorte de tour ronde, haute de deux mètres, montée sur roues, qui glisse le long du rail, une putain de machine. Et, tout le long du cylindre de la tour, à toutes les hauteurs, des lames tournent à grande vitesse, produisant le fameux vrombissement. Alors je bloque, pas longtemps, le temps de me rendre compte de ce qui s'approche de nous avec une lenteur calculée. Je pointe le gun et comme un con, je tire. Un coup, deux coups, trois coups, à chaque fois mon bras gicle en l'air à cause du recul et la grosse tour de métal noire méprise des petites balles et avance vers nous, impassible. C'est Joey qi a la bonne réaction, il fait demi-tour et court et je le suis et le truc nous suit. Rapidement, tous mes organes remontent et se bousculent dans mon oesophage, mes poumons s'épuisent à ventiler mon corps épuisé, je ne tiendrai pas longtemps. Le truc ne va pas très vite, et nous arrivons peu à peu à le distancer... Faux espoir. Joey percute une paroi devant moi. Cul de sac ! Et le machin qui nous suit ! Il faut revenir en arrière, nouvelle course au bord de l'effondrement physiologique, on arrive tous au carrefour en même temps, ou presque. On arrive à tourner avant que le truc nous bloque...

Quelques mètres plus loin, Joey s'arrête.

- Ça ne sert à rien de continuer comme ça... Il va finir par nous avoir.

- Tu veux faire quoi ? Du kung-fu ?

Il nie de la tête et regarde le ciel. Le spot tourbillonnant est au-dessus de nous maintenant ! Joey croasse :

- Suivre l'étoile !

Et le spot avance et va vers la gauche, Joey l'imite et, contraint et forcé, je suis. Au tournant suivant, il prend à droite, puis tout droit, puis je m'y perd et je me contente de suivre cet allumé qui garde les yeux au ciel. Et juste au moment où j'en avait marre de jouer à Pac-Man sans les gommes magiques, on arrive à un cul de sac.

- Ça a merdé, Joey, j'ai le temps de cracher avant que la paroi du fond ne s'efface, dévoilant une porte. Joey m'attrape et me traîne dehors et je me rends compte que l' intervention du joker nous a sauvés... Mat au Minotaure !

Exit.